Alors que 18 % des ménages agricoles vivent sous le seuil de pauvreté, et qu’un tiers seulement de leurs revenus est issu de l’agriculture, selon une étude de l’Insee publiée en octobre, l’énergie solaire a des airs de nouvel or vert pour les agriculteurs qui ont de plus en plus de mal à vivre de leur activité. Les spécialistes estiment que, dans certains projets, le loyer versé par les énergéticiens en contrepartie d’installations solaires serait dix fois plus élevé que ce que peut rapporter le fermage, c’est-à-dire la location des terres à un exploitant. Centrales solaires au sol prévoyant des pâturages de moutons ou brebis sous les panneaux, serres dont les toits sont recouverts de panneaux solaires, ou ombrières intelligentes qui s’orientent en fonction du soleil, généralement au-dessus de vignes et vergers : selon Nicolas Tonnet, spécialiste du sujet pour l’Agence de la transition écologique (Ademe), 15 % du parc photovoltaïque est aujourd’hui situé sur des terres agricoles. Des pratiques rassemblées sous la bannière de ce qu’on appelle «l’agrivoltaïsme».
Le phénomène, en pleine expansion, devrait continuer de croître : dans sa Programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE), l’Etat prévoit de doubler les capacités de la France en énergie solaire d’ici fin 2023, en installant 20,1 gigawatts (GW) contre 10,4 en décembre 2020. En 2028, les productions d’énergie solaire devront atteindre entre 35,1 et 44 GW. Combien sur des terres agricoles ? Le ministère de la Transition écologique ne nous a pas répondu. Un rapport du Sénat constatait en 2019 que «l’agrivoltaïque dynamique ouvre une voie très prometteuse en conciliant production agricole et production d’énergie renouvelable».
Mais comment s’assurer que les projets répondent bien à une vraie problématique agricole et ne sont pas qu’un prétexte ? C’est toute la difficulté, selon de nombreux spécialistes, qui pointent un dévoiement de cette pratique. «Des gens vont mettre des panneaux au sol avec des moutons et dire que c’est de l’agrivoltaïsme, alors que c’est juste du photovoltaïque à la ferme», déplore Antoine Nogier, directeur de la structure Sun’Agri, qui développe des projets dans le sud de la France et préside l’association France Agrivoltaïsme, créée il y a cinq mois pour promouvoir et représenter la filière. Pour lui, le terme d’agrivoltaïsme implique nécessairement que la production d’énergie soit minime, et au service de l’agriculture.