Tristes records. En 2016, la Finlande a enregistré son plus faible taux de naissances depuis cent quarante-huit ans, avec 52 815 nouveau-nés seulement. Le Japon, lui, a franchi la barre des 70 000 centenaires en septembre, tandis que l’Allemagne, avec 1,57 enfant par femme en 2017 (contre 1,89 en France), affiche le plus faible taux de fécondité de l’Europe de l’Ouest… Pour faire face au vieillissement accéléré de leur population, plus marqué que dans les autres économies industrialisées, ces pays ont adopté en une série de mesures visant à en limiter les aspects les plus négatifs, notamment sur les finances publiques et le marché du travail. Avec plus ou moins de succès.
Les pays nordiques face à la bombe du financement
Pénurie de main-d’œuvre, montée en flèche des dépenses de santé, budget des communes sous pression… Les pays nordiques ressentent déjà lourdement les conséquences économiques du vieillissement de leur population, qui va encore s’accélérer jusqu’en 2040. L’impact y est d’autant plus important que la prise en charge des aînés est assurée par un généreux système de protection sociale (plus de 30 % du PIB, contre 28 % pour la moyenne européenne).
Conscients de ce défi, les pays du nord de l’Europe ont depuis longtemps réformé leur système de retraite, afin d’en pérenniser le financement. A mesure que l’espérance de vie augmente, priorité est donnée à l’allongement de la durée de travail. Les Suédois prennent leur retraite à 64,5 ans en moyenne, les Danois à 65,2 ans et les Finlandais à 61,3 ans.
Tous font face aux mêmes dilemmes : comment s’assurer que les salariés soient suffisamment en forme et motivés pour continuer à travailler aussi longtemps que possible ? Et, surtout, comment garantir un niveau de vie correct à ceux qui, pour des raisons de santé ou parce qu’ils exercent des professions pénibles, ne peuvent plus continuer ?
Autre difficulté pour ces pays grands mais peu peuplés, où les communes sont responsables du financement de la santé et des services sociaux : la prise en charge des seniors dans les petites villes de campagne, désertées par les plus jeunes.
L’Allemagne vieillissante se résigne à recourir à l’immigration
Avec un âge médian frôlant les 47 ans, la population allemande est la plus vieillissante d’Europe. Les dernières projections montrent l’ampleur du phénomène. « Dans trente ans, un habitant sur dix sera âgé de 80 ans ou plus », résumait en juin Sabine Bechtold, la directrice du service démographie de Destatis.
L’augmentation du nombre de seniors se fera fortement sentir sur la population active. D’ici à 2040, plus de 20 millions d’Allemands nés pendant le baby-boom des années 1950 et 1960 partiront à la retraite, d’après les calculs de l’Institut fédéral pour la recherche démographique. Mais seuls 14 millions de jeunes prendront leur place sur le marché du travail.
Pour atténuer ce déséquilibre, le recours à l’immigration s’impose. Selon une étude de la Fondation Bertelsmann, l’Allemagne aura besoin d’attirer au moins 260 000 immigrés, dont 150 000 en provenance de pays hors de l’Union européenne, chaque année jusqu’en 2060, pour éviter l’effondrement de son économie. C’est moins que le solde migratoire record des dernières années, mais, pour les experts, maintenir l’immigration à ce niveau élevé relève de la gageure, d’autant que les arrivées de main-d’œuvre en provenance des pays européens devraient fortement baisser dans les prochaines années.
Au Japon, les robots pour pallier le manque de main-d’œuvre
Quand le premier ministre japonais, Shinzo Abe, a annoncé le nouveau système de visas entré en vigueur en avril pour faire venir 345 000 travailleurs étrangers qualifiés en cinq ans, il s’est empressé de préciser qu’il ne s’agissait pas d’une ouverture à l’immigration. Perçue comme une menace pour la culture et la stabilité sociale, celle-ci reste en effet taboue au Japon, pourtant confronté au vieillissement et à une pénurie de main-d’œuvre de plus en plus problématique. En septembre, le ratio d’offres d’emploi s’établissait à 1,57, soit 1,57 offre par chômeur.
Face à ces besoins, le gouvernement préfère promouvoir le travail des femmes, en encourageant l’équilibre entre vie professionnelle et vie privée par l’ouverture de places en crèche, ou en incitant les entreprises à les nommer à des postes à responsabilité. Il table aussi sur les personnes âgées en assouplissant les règles permettant de les faire travailler, même après la retraite. Tokyo envisage de porter l’âge de la retraite à 70 ans, voire à 75 ans, contre 65 aujourd’hui.
Les entreprises ne l’ont pas attendu. L’assureur Taiyo Life et la chaîne de restaurants Skylark permettent à leurs employés de travailler jusqu’à 70 ans s’ils le souhaitent. Le géant de l’intérim Pasona a, lui, créé en avril une catégorie d’employés seniors pour les plus de 65 ans.
Le Japon mise aussi sur la robotique. Le marché des robots dans les services (surveillance, nettoyage, livraison…) devrait être multiplié par dix d’ici à 2035, pour atteindre 4 900 milliards de yens (41 milliards d’euros). En juillet, le gouvernement a ainsi dévoilé un projet doté de 100 milliards de yens (833 millions d’euros) affectés à 25 domaines technologiques. Objectif : parvenir à l’automatisation d’ici à 2040 de l’agriculture, de l’activité forestière et de la pêche ainsi que des chantiers de construction, ou encore développer des organismes cybernétiques devant restaurer les fonctions corporelles affectées par le vieillissement.
En Corée du Sud, la misère galopante des retraités
La Corée du Sud s’interroge sur l’avenir de ses retraites et de ses retraités. Outre le vieillissement accéléré de sa population (20 % des Coréens auront plus de 65 ans en 2025), la treizième économie mondiale est confrontée à la précarisation croissante de ses anciens : 45 % des retraités vivent sous le seuil de pauvreté, contre 12,5 % en moyenne dans les pays de l’OCDE.
Une situation aggravée par la disparition des solidarités familiales traditionnelles, qui voyaient les enfants prendre en charge leurs parents âgés. Résultat, les Coréens travaillent de plus en plus tard, dans des petits jobs, comme vendeur de supérette ou livreur de colis. Plus de 4,2 millions des plus de 60 ans – près de la moitié de cette classe d’âge – travaillent.