Quinze journalistes viennent de créer le collectif Kelaouiñ — Kelaouiñ signifie « informer » en breton — qui lutte pour la liberté d’informer sur l’industrie agroalimentaire en Bretagne. Menaces, pressions, poursuites judiciaires, auto-censure… Ils dénoncent l’omerta qui règne autour du secteur agroindustriel et la difficulté d’exercer leur métier. « On ne monte pas ce collectif pour se plaindre, prévient Pierre-Yves Bulteau. On en parle parce que ces pressions vont de pair avec le droit de savoir des citoyens sur ce qui se passe autour de chez eux. »
Dans les témoignages des journalistes, pas de pneus crevés. Mais des pressions souvent insidieuses, qu’ils ne veulent plus taire. « Un coup de fil de l’agroalimentaire à une rédaction, ça n’arrive jamais. C’est beaucoup plus pernicieux… » souligne Pierre-Yves Bulteau, journaliste et membre du collectif. Pour Hélène [1], pigiste dans la région, « ces pressions, sans être hyper spectaculaires, finissent par influencer le travail des journalistes ».
En Bretagne, « l’agroalimentaire continue à être une zone interdite », dénonce encore le collectif Kelaouiñ. « Le secteur agroalimentaire a une place écrasante : il emploie près d’un tiers des Bretons dans l’élevage, l’industrie, l’export… ajoute Hélène, membre du collectif. Sans compter que c’est l’agriculture qui a sorti la Bretagne de la misère donc beaucoup ne veulent pas cracher dans la soupe. »
Pour comprendre l’autocensure de la presse locale sur ces sujets, on peut aussi, tout simplement, feuilleter les journaux et regarder les publicités. « Les distributeurs sont aussi de grands annonceurs », pointe Christian Jacquiau.