Alors qu’un nouveau protocole sanitaire entre en vigueur lundi 31 août et que le port du masque devient obligatoire au 1er septembre dans la plupart des espaces de bureaux, y compris les open spaces, franceinfo revient sur l’incroyable métamorphose de ces bureaux de légende.
Le « bureau ouvert » n’a rien d’une invention moderne mais si l’on en trouve trace dès le moyen-âge, il se répand en Occident à la fin du XIXe siècle, lorsqu’on transpose aux travaux « assis » le taylorisme qui régit déjà les travaux « debout » des ouvriers. Au XXe siècle « se généralisent les ‘pools’ de dactylos et d’employés qui travaillent sous le regard de superviseurs et dans le claquement assourdissant des machines à écrire – le bureau individuel, lui, est là pour asseoir le statut des cadres », raconte Le Point (lien pour abonnés) dans son enquête consacrée à la « folle histoire de l’open space ».
Emblématique et pionnier, le Larkin Building, à Buffalo (Etats-Unis), de l’architecte Frank Lloyd Wright, incarne dès 1906 l’open space moderne. L’open space ne se généralise dans l’Hexagone que 80 ans plus tard, dans les années 1980, « lorsque les grandes sociétés cessent d’être propriétaires de leur siège et que les ensembles de bureaux deviennent des placements immobiliers ».
Les architectes et entrepreneurs qui se penchent sur l’open space ont pour objectif de rendre toujours plus fluides et efficaces les interactions entre les salariés. Ainsi, quand Steve Jobs entend concevoir les locaux du studio d’animation Pixar, en 2000, il imagine un atrium géant dans lequel pourront se croiser des salariés qui, a priori, n’ont rien à faire ensemble, détaille le site spécialisé Office Snapshot (en anglais).
La chute (de la plupart) des cloisons ne signifie pas que les salariés, libres et indépendants, nagent dans le bonheur. « La hiérarchie est moins manifeste, mais elle reste là : qui a un bureau près d’une fenêtre, qui est dans le passage… Certains chefs peuvent se placer au milieu de leurs troupes, mais c’est encore une façon de surligner le sacrifice qu’ils sont prêts à consentir pour le bien de l’équipe », explique dans Le Point Alexandre Des Isnards, coauteur avec Thomas Zuber de L’open space m’a tuer (Hachette Littératures, 2008).
Pas pratique pour travailler en groupe, l’open space chasse les salariés dans d’autres lieux, comme la salle de pause, la machine à café, la fontaine à eau ou encore de (souvent trop petites) salles de réunion. Avec des surfaces de plus en plus petites à leur disposition, les salariés peinent à échanger sans risquer de déranger leurs collègues. En 2019, une étude de chercheurs de l’université de Harvard (en anglais) a montré que les salariés qui travaillaient dans des bureaux décloisonnés communiquaient davantage par mails et autres messageries instantanées que ceux qui se trouvaient dans des bureaux séparés : au lieu de se développer, les interactions chutent de 70% en open space, constatent les auteurs. De même, avec ou sans cloisons, les travailleurs distants de plus de 15 mètres ne se fréquentent pas, relèvent-ils, n’en déplaise à Steve Jobs.
Pire, les open spaces favorisent le partage… des germes. Et même avant que le Covid-19 ne vide les bureaux, plusieurs études menées en Suède, au Danemark et au Canada ont démontré que les salariés des open spaces étaient plus souvent malades que ceux travaillant dans de petits bureaux, écrivait Vice en 2016 (en anglais).
A partir du mois de mai, la première étape du déconfinement s’est accompagnée d’un rigoureux protocole sanitaire. L’objectif : éviter que les salariés ne se croisent. Mettre à disposition du gel hydroalcoolique, respecter une distance physique d’au moins un mètre, généraliser le port du masque quand cette distance ne peut être maintenue, mettre en place des dispositifs de protection (écran transparent ou Plexiglas) si nécessaire dans les espaces rapprochés, aérer et nettoyer régulièrement, flécher les déplacements… Les contraintes sanitaires rendent l’open space particulièrement obsolète.