C’est l’un des chiffres les plus symboliques de la « 6ème extinction » qui frapperait actuellement la biodiversité : les populations des insectes volants ont diminué de 75% pendant les dernières décennies en Allemagne. Ce constat alarmant a été formulé une première fois en 2017, par une première publication qui portait sur un nombre relativement faible de sites, suivis entre 1989 et 2016. Fin 2019, un article publié par la prestigieuse revue Nature, sur une période plus courte, mais à beaucoup plus grande échelle, a retrouvé le même ordre de grandeur.
Ces publications scientifiques ont été beaucoup commentées par la presse lors de leur publication. Depuis, elles sont depuis régulièrement invoquées, pour justifier une réduction drastique de l’usage des pesticides (1). En deux ans, ces deux publications ont donc généré un consensus scientifique et politique. Cela alors que les publications précédentes sur ce thème observaient certes des diminutions importantes des populations d’insectes, mais beaucoup moins dramatiques. Comment ces chiffres alarmants ont-ils été calculés ?
Une analyse de la méthodologie employée et des données récoltés relève de nombreux problèmes. les résultats publiés seraient donc surévalués. Même s’il est probable que le déclin annoncé dans les articles parus dans la revue Nature est très surestimé, il reste vrai que toutes les références sérieuses sur ce sujet observent une diminution sensible des populations d’insectes pendant les trois dernières décennies.
Au-delà des questions légitimes sur la rigueur scientifique des deux études, ce qui est problématique c’est « la dérive de certaines publications scientifiques, même dans des revues prestigieuses, vers des procédés relevant plutôt de la presse d’opinion politique : dans une situation où les données se prêtent à des interprétations diverses, elles se contentent de montrer que l’opinion professée par les auteurs est compatible avec les faits observés, sans vérifier si d’autres interprétations le sont aussi. »